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avions réduites de moitié. L’année 1874 même, nous n’avions rien commandé, de sorte que le peu qui devait nous arriver en 1873 a été réparti en deux ans. C’est ce qui fait comprendre le dénuement dans lequel nous allons nous trouver. Quant à la farine, je crains bien que nous n’en aurons pas même cette année pour faire des hosties.

Tout cela m’afflige beaucoup ; non pour moi, mais pour nos pères, nos frères et nos sœurs de Charité. Que c’est dur pour un père comme moi de voir souffrir les siens, et de ne pouvoir leur donner un simple morceau de pain, cet aliment si commun en pays civilisé, pour les soulager !  »


L’année suivante, 1875, Mgr  Clut se trouvait à la mission de la Providence, au nord du Grand Lac des Esclaves, lorsque le courrier d’hiver lui parvint. C’était le Frère Boisramé qui l’apportait du lac Athabaska, où Mgr  Clut l’avait envoyé chercher quelques provisions.

De fait, le bon frère n’apportait rien que les lettres et son extrême fatigue, après quarante jours de marche à la raquette.

Mgr  Clut écrivit alors dans son même cahier intime :

« 21 février. — Les nouvelles d’Athabaska sont bien mauvaises. Il y a disette. Cette disette nous fait grandement craindre

que faute de provisions de bouche pour équiper les barges de la

Compagnie, nous ne soyons encore menacés de ne rien recevoir. Alors, que deviendraient nos pères et nos frères presque tous déjà ruinés de santé ! Dans quel état de privations serions-nous réduits tous ensemble ! Rien pour nous couvrir ; rien pour acheter de la viande ; pas une livre de farine : telles sont les privations dont nous sommes menacés. Que deviendraient nos missions ? Que deviendraient nos orphelins, à la Providence et à Athabaska ? Que deviendraient nos écoles ? Espérons que la Providence viendra encore à notre secours de quelque manière imprévue. Depuis environ sept ans, nous sommes toujours dans la plus grande incertitude et la plus grande anxiété. Pourrons-nous encore tenir l’année prochaine ? N’allons-nous pas manquer de tout ? Ah ! Dieu seul et nous, savons à quelles privations nous avons été réduits ! »


Sur ce cri de détresse poussé au fond du Mackenzie, et comme prolongeant celui de Mgr  Grandin, laissons passer quarante-trois ans.

Nous sommes en 1918.

Le 9 juillet de cette année, les journaux catholiques du Canada publient cette lettre, écrite par Mgr  Breynat,débar-