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D’UN EXILÉ

après lequel ils avaient tant soupiré — tout fut inutile auprès de ces âmes sans pitié. Leur avarice leur avait suggéré que nous n’attenderions pas jusqu’au prochain terme de la cour, et que nul sacrifice ne pourrait nous faire refuser la première occasion de quitter cette plage. C’est ainsi qu’ils nous ravirent au dessus de quatre cents livres sterlings qui nous étaient dûs en somme, c’est à dire plus qu’il ne fallait pour ramener dans leurs foyers nos quinze pauvres malheureux compagnons qui faute de moyens furent condamnés à nous voir embarquer pour ce Canada que nous avions tant désiré ensemble. Ainsi au lieu d’être protégés comme nous espérions de la part de ces hauts fonctionnaires, nous n’en fûmes que dupés. Que doit on penser maintenant des classes inférieures quand les plus élevées sont les premiers à vous tricher.

Enfin en avril 1844, nous apprîmes que cinq de nos compatriotes avaient reçu leur pardon. Cette nouvelle causa beaucoup de joie aux uns et de la peine aux autres. Car ces derniers croyaient que la clémence de Sa Majesté s’était borné à accorder le pardon de ces cinq seulement ; et que les autres seraient jamais délivrés. D’autres enfin pensaient que le pardon avait été accordé à tous mais que nous n’en recevions la nouvelle que par section à la fois et à diverses époques. Ce fut un vif sujet de conjecture pour tous. Une circonstance inattendue vint fixer un peu nos idées. — Sur ces entrefaites, je reçus une lettre du Canada, qui m’annonçait comme une chose certaine, le pardon prochain de tous les