Page:Ducharme - Journal d’un exilé politique aux terres australes.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.
42
JOURNAL

seul doit en souffrir. En récompense donc de nos travaux pour notre surintendant et de notre discrétion, il prolongea encore l’heure de notre réclusion. Il nous permit encore d’employer à notre profit les heures à part de nos travaux ordinaires. Nous nous occupions alors à arracher des coquillages le long du rivage de la Baie qui nous environnait — nous les vendions ensuite à des bateliers qui les menaient à Sydney ou à Parramata et les revendaient pour faire de la chaux. Dans ce pays, c’est là la seule ressource pour se procurer cet objet nécessaire ; car il n’y a pas de pierre calcaire. Tout cela était du travail de nuit ; car le secret nous était essentielle. — Ce que nous retirions de ce négoce joint au produit de la vente de bois que nous faisions à l’imitation de notre surintendant, nous fournissait assez d’argent pour nous procurer les objets dont on sentait le plus le besoin ; et notre surintendant était obligé à son tour de fermer les yeux là dessus. Plus tard, il tomba malade et fut contraint de garder le lit. Néanmoins cette mésaventure ne lui empêcha pas de continuer son commerce et conséquemment à nous de continuer le nôtre, sans pourtant négliger nos travaux du jour. Dans ce même temps, je fus chargé avec deux de mes compatriotes de faire le guet la nuit dans l’établissement, coutume qui avait toujours existé depuis que nous y étions et qui existe dans tous les établissements pénals, tant pour pourvoir à la sûreté de l’établissement que pour veiller à ce qu’il ne s’échappe aucun prisonnier. Il n’y avait rien à craindre pour nous