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JOURNAL

long des grilles des écoutilles pour pouvoir respirer un peu de bon air.

Le 15 pendant que j’étais sur le pont il passa près de nous, une mâture de bâtiment, qui nous annonçait probablement le malheur de quelques naufragés dans les environs. Mais comme la brise était bonne, l’on ne crut pas devoir faire aucune recherche.

Le 16 la brise était forte. Nous apperçumes, à une moyenne distance, l’Isle Fernandez. Elle est d’un singulier aspect, De hauts pics s’élèvent jusqu’aux nues en forme de colonnes. Ce fut un objet frappant pour nous qui n’avions pas vu la terre depuis notre sortie du Golfe St. Laurent : au reste il en est ainsi pour tous ceux qui sont sur mer. Nous ne pûmes nous empêcher de faire quelques réflexions sur notre sort. Nous nous éloignions avec rapidité de notre pays natal, sans espoir de le revoir jamais, et sur le vaste océan nous subissions les décrêts de la Providence. Des milliers de milles nous séparaient de notre beau Canada, de nos familles, de nos amis, de tout ce qui nous était cher.

Du 17 au 20 le vent fut modéré, nous dirigions toujours notre course sur les côtes du Brézil. Nous faisions trois milles à l’heure.

Le 22 la nuit fut orageuse. La brise passablement forte et favorable. Les matelots prirent un requin de 8 p. de long. Ces poissons voraces sont souvent vus en mer auprès des vaisseaux pour se saisir de tous les objets qui sont jetés à la mer. Ils lui trouvèrent dans le ventre jusqu’à des bouts de fer, un soulier et un os d’épaule de bœuf.