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l’ordre économique, la solidarité de plus en plus étroite des peuples qu’on entend si souvent affirmer ne se traduit que bien rarement par de pratiques et judicieux accords. « Tout le monde dit que les maux dont souffre le monde ne peuvent trouver un remède que dans les solutions internationales, a écrit Albert Thomas à la fin de sa vie. Cependant, poursuivait-il, un peu désabusé sans doute, on adapte de tous côtés une politique d’armements économiques. » Quant à la solidarité morale, si elle n’est que cette conception humanitaire, cette rêverie sentimentale dérivée du Contrat social et chère aux apologistes de la Société des Nations, elle ne saurait tenir devant le fait historique des patries et le sentiment national qui grandit chez les peuples avec l’amour de la liberté[1].

Difficile, avons-nous dit, à fonder entre les peuples d’Europe, la religion de l’humanité l’est plus encore entre ceux-ci et les peuples d’Asie. Ces derniers s’assimilent volontiers tout ce qui, dans la civilisation occidentale et son machinisme, leur semble utile, mais ils n’en acceptent pas l’esprit. L’un d’eux, le Japon, a non seulement voulu rester lui-même, mais il a l’ambition hautement exprimée par des chefs militaires de sauvegarder la civilisation asiatique et de guider ceux que désorienteraient certains apports de l’Occident. Il commence par sa propre rénovation, les militaires le proclament. Et

  1. Le sentimentalisme humanitaire d’un Tagore recouvre autre chose qu’une rêverie ; la haine de l’oppression et le patriotique désir de l’affranchissement s’y font sentir. Aussi n’en a-t-il jamais été fait grand cas dans les milieux internationaux de Genève.