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dire toucher du doigt ce lien spirituel. Son âme exquise et forte de poète conçoit le Japon tout entier, hommes et choses, comme un microcosme dont la vie nombreuse, tumultueuse et profonde correspond à celle de l’univers ; elle le spiritualise même en le mêlant à une sorte de panthéisme inédit. Voici ce passage : « Les Japonais, élèves d’Oyomei, se délectaient à l’image du Dragon. L’avez-vous vu le Dragon ? Approchez-vous de lui prudemment, car aucun être humain ne peut survivre à la vue de son corps tout entier. Le Dragon oriental n’est pas le monstre de l’imagination médiévale, mais le génie de la force et de la bonté. Il est l’esprit du changement et, par là, de la vie même. Nous l’associons avec la puissance suprême, c’est-à-dire avec cette cause souveraine qui pénètre toute chose et qui revêt des formes nouvelles selon les circonstances, sans jamais se laisser voir sous son aspect définitif. Le Dragon est le grand mystère lui-même. Caché dans les cavernes de montagnes inaccessibles ou replié dans les profondeurs de la mer, il attend l’heure de se mettre lui-même en mouvement. Il se déploie dans les nuages de la tempête et lave sa crinière dans les ténèbres des tourbillons écumeux. Ses griffes sont dans le trident de l’éclair, ses écailles brillent dans l’écorce des pins battus par la pluie. Sa voix s’entend dans l’ouragan qui disperse les feuilles mortes de la forêt et ramène le printemps. Le Dragon ne se révèle pas pour s’évanouir. Il est l’image glorieuse et symbolique de cette élasticité d’organisme qui secoue la masse inerte de la matière