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ont tenu ses habitants dans une atmosphère de mystère qu’accentuait l’impression d’isolement et d’étendue infinie. Au lieu donc de la précision que la lumière de l’évidence créait dans l’esprit des Européens rapprochés les uns des autres, l’imprécision, le vague propice au rêve, qu’il s’agisse de la religion des Indiens, du sentiment de l’unité de l’univers des Chinois, du chaos religieux des Russes ou de l’idéal shintoïste fort complexe des Japonais (religion, morale ou simplement attitude politique suivant les époques), étaient le lot de l’Asiatique et la base de sa civilisation.

Mais, objectera-t-on, si vous opposez à l’esprit méditatif de l’Asie, l’esprit réalisateur de l’Europe, vous admettez de part et d’autre une unité d’ordre moral et celle que vous accordez à l’Asie ne prouve plus rien.

Entendons-nous : qu’une unité repose en Europe sur l’esprit de précision — d’aucuns diront génie de composition (nous examinerons plus loin la valeur de ce terme) — ou encore qu’une unité américaine soit l’application d’une doctrine ou l’aboutissement d’un développement historique, il n’en est pas moins certain que l’unité de l’Asie est d’une tout autre essence que les deux premières, surtout dans le cerveau d’un Asiatique qui oppose frénétiquement à l’Occident qu’il voit uniquement matérialiste, l’Orient essentiellement spirituel. « L’Asie n’est rien, sinon spirituelle », écrit Okakura.

Qu’est-ce à dire ? Si nous considérons les Chinois, le peuple d’Asie dont la réputation de posi-