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la religion bouddhique qui, une fois le livre fermé, se soucient peu d’en appliquer le contenu.

Sans doute, le sentiment de pitié pour tous les êtres qui est à la base du bouddhisme paraît, au premier abord, l’équivalent de l’amour-charité du chrétien tel que nous l’avons défini plus haut. Mais il y a dans la charité chrétienne un principe de vie, une flamme qu’il n’y a pas dans le bouddhisme. C’est cette flamme qui crée le prosélytisme des missionnaires chrétiens, catholiques et protestants. « Le bouddhisme, écrit Bergson, manque de chaleur ; comme l’a dit très justement un historien des religions, il a ignoré le don total et mystérieux de soi-même[1]. La charité est une passion envahissante qui ne connaît pas de bornes. La pitié bouddhique pour tous les êtres est toute différente. Elle souhaite leur anéantissement, leur évasion du monde des apparences ; elle ne comporte donc pas d’amour puisque tout amour s’oppose à l’anéantissement définitif. Elle tend plus à éteindre « le feu de la haine » (Mahavagga) qu’à allumer celui de l’amour. La charité est un fruit des pays chrétiens.

Il manque au bouddhisme l’unique fondement : Dieu. Toute son insuffisance vient de là. Sa valeur positive ne parvient pas à se dégager, à s’affirmer. Si Dieu n’en est pas formellement rejeté, du moins

  1. Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, p. 241 (Alcan).