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II

Un problème se pose. Quelle doit être l’attitude morale de l’Europe en face de l’Asie ?

Lorsqu’on s’arrête à considérer les actes des individus ou la vie des peuples, on en arrive vite à la conviction qu’une partie seulement des réalités nous est aisément perceptible et qu’une autre, aussi importante, sinon davantage, nous échappe ou peut nous échapper. On s’aperçoit que les véritables transformatrices de l’ordre social comme du cœur des hommes sont les forces morales et spirituelles ; le nier, c’est ne pas tenir compte de l’idéalisme et du sentiment, autrement dit, c’est faire preuve d’une vision trop étroite pour embrasser toutes les réalités.

Toutes les philosophies expriment une certitude analogue. « Le secret de la renaissance selon les Oyomiens[1], écrit Okakura Kakuzo dans les Idéaux de l’Orient, était de pénétrer derrière le masque que le changement impose aux choses. Ce qu’on appelle des faits et des formes n’était, d’après eux, que de simples incidents, sous lesquels la vie réelle se tenait cachée ».

Les réalités invisibles nous paraissent à nous-même les seules vraies, car elles ne sont consti-

  1. Disciples du philosophe confuciste Wang Yang-Ming (1472-1528) que les Japonais appellent Oyomai.