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Il nous apparaît donc que l’Orient vient à nous avec une volonté bien arrêtée de conserver son caractère et même, plus il se rapproche de nous par certains côtés, plus cette volonté s’affirme. C’est le sort de tous les peuples qui apprennent à se connaître. Si l’amitié survit à certaines frictions, la connaissance que chacun acquiert des faiblesses ou des défauts de l’autre rend les rapports entre eux plus circonspects ; les yeux s’ouvrent, chacun rentre en soi-même et veut conserver pour ainsi dire sa personnalité, son originalité. Mais si l’amitié doit subsister dans ce nouvel état, elle n’en est que plus solide et plus durable parce qu’elle est sans illusion.

Constatons d’autre part qu’une évolution est en train de se faire dans la pensée occidentale à propos de l’Orient. Nouveaux croisés d’une croisade pacifique, nous allons chez les Orientaux nous livrer à des spéculations dont la rigueur cartésienne est exclue, en quête d’apports intellectuels qui enrichissent la pensée de nos philosophes et nous devons admettre que si l’Asie peut être un mets dangereux, il n’empoisonne tout de même pas tous ceux qui le mangent, contrairement à ce que pensait Gobineau.

D’ailleurs, qu’on le veuille ou non, les temps sont révolus où l’ordre asiatique et l’ordre européen pouvaient coexister isolés l’un de l’autre. Sans parler d’autre chose, les simples moyens matériels qu’ont aujourd’hui Européens et Asiatiques de communiquer entre eux les obligent à se connaître.