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maintenue avec trop peu de lutte pour que, des efforts accomplis ou des épreuves subies, pût sortir une unité morale. Le langage et les attitudes nationalistes, formes élémentaires de l’orgueil collectif, tendent à corriger ce défaut d’origine. À vrai dire, le nationalisme est une voie déraisonnable et dangereuse pour le peuple américain. Déraisonnable, parce qu’aux États-Unis le nationalisme ne correspond ni à une réalité ni à une nécessité. L’Amérique n’a pas à défendre ou à promouvoir un prestige de race, qu’elle ne possède pas. Elle n’a pas à protéger sa puissance que personne ne menace ni ne discute.

Dangereuse, parce que le nationalisme, loin de hâter l’unification, la gênerait ou la compromettrait. Il substituerait peu à peu et fatalement au cadre économique de la société américaine un cadre politique qui changerait la nature même de cette société. Le changement de cadre remettrait en cause les bases de la solidarité social. C’est que les États-Unis sont trop divers, pour l’étroitesse et les rigueurs de la discipline nationaliste. Déjà leur intervention dans la guerre européenne a provoqué en eux, après coup, un long scrupule. Au fait, comment soumettre à une même doctrine et à une même pratique du nationalisme les intérêts du Texas et ceux de l’Illinois, ceux de New-York et ceux de San Diego, ceux de Boston et ceux de la Nouvelle-Orléans[1] ?

Partant de l’idée que les Américains cherchent leur unité dans le nationalisme pur et simple, ce raisonnement tient à merveille, mais c’est précisément l’exactitude de ce point

  1. Lucien Romier : Qui sera le maître, Europe ou Amérique ? pp. 139 et suiv. (Hachette, édit.).