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de New-York la liberté d’allure dont ils avaient joui en Europe, la réaction contre eux ne se fit pas attendre. Elle fut brutale[1].

Dans les États du Sud, l’hostilité des blancs contre les noirs s’est toujours expliquée par une crainte insurmontable. Il faut lire sur ce point cette page saisissante du livre de M. André Siegfried : Les États-Unis d’aujourd’hui (p. 93) (Armand Colin) :

Toute discussion relative aux nègres révèle une sorte de hantise sexuelle, pénétrant, implacable, jusqu’aux moindres replis de la pensée et de la sensibilité. C’est une terreur vague, demi-physique, de la population de couleur environnante, surtout dans les villages où elle est le nombre et donne l’impression de vous submerger ; c’est la peur hallucinante d’une hérédité barbare, bestiale, qui se manifesterait tout à coup par une tentative de viol : si l’on sort le soir, laissant une femme seule à la maison, jamais on ne se sent tout à fait rassuré. À la longue, cela devient une idée fixe qu’on ne raisonne plus, une sorte d’hystérie, de fureur, qui peut conduire aux pires horreurs. On comprend que, si un viol vient alors à se produire effectivement, si même il n’en existe que le simple soupçon, la répression sort du domaine de la légalité pour entrer dans celui de la vengeance passionnelle. Il faut un exemple, à tout prix, tout de suite, et la foule qui s’est ameutée ne retrouve de détente que quand le sang a coulé, par-

  1. Voir un remarquable article du Correspondant du 10 mai 1926 sur « Le problème de la race aux États-Unis », sous la signature de M. Bernard Faÿ.