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Pour nous, la famille fut toujours et est encore tout. Le mot famille résume notre esprit national. »

Élargir définitivement pour le temps de paix l’horizon de cette masse paysanne qui demande seulement à vivre une vie régie par la famille et les guildes, pour qui le gouvernement n’est qu’un jeu à l’usage de quelques-uns, réviser ses valeurs traditionnelles, éveiller en elle l’idée de patrie, autrement dit faire du pays qu’elle habite une nation au lieu d’une civilisation, n’est pas chose aisée. D’aucuns la jugent impossible. Allez donc parler, disent-ils, de nos patries à des gens qui depuis des millénaires confondent leur empire avec le monde, à qui Confucius n’a parlé que de « pacifier l’univers », à qui les Taoïstes ont dit : « Lorsque les gouvernants s’adonnent uniquement aux intérêts d’un seul État, l’Univers tombe dans le désordre », à qui l’on apprenait que le rôle du Souverain était de « secréter » l’ordre universel, à des gens qui ne concevaient que l’ordre de la nature, qui devaient se modeler sur elle, qui en un mot vivaient sous le signe de l’universalisme, alors que nous ne concevons pas autre chose que le morcellement du monde en nations plus ou moins grandes !

Et allez donc parler de nation à un peuple dont la civilisation subjugua tous ses voisins. Allez donc vanter notre civilisation pour autre chose que ce