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dire que le Chinois est bouddhiste comme il respire, sans le vouloir, sans le savoir, sans qu’intervienne de son fait la moindre conviction confessionnelle et sans que soit en jeu le moindre idéal religieux.

Mais voici qu’un idéal nouveau soulève l’élite : l’idéal national ; l’universalisme qui est au fond de l’âme chinoise se replie, s’humanise. Une notion nouvelle, celle de la nation, se précise. L’art chinois ne va-t-il pas s’en ressentir ? Que va-t-il advenir de cet art essentiellement universaliste, qui n’a jamais cherché à imiter et que la réalité m’intéresse pas directement, pour qui le canon grec est lettre morte, les ombres superflues, inconvenantes même quand elles sont portées sur le visage de personnages importants ?[1] Ne va-t-il pas, cet art, donner les marques d’un certain désarroi ? N’allons-nous pas voir des œuvres d’inspiration mi-orientale, mi--

  1. Lorsqu’au XVIIIe siècle, les Jésuites Attiret et Castiglione fixent les portraits de l’Empereur Kien-Long, de l’impératrice et des hautes personnalités de la Cour, le modelé des chairs et la projection des ombres furent déclarés choquants et ils durent recommencer selon la manière graphique et simplifiée des peintres chinois. Plus tard, lorsque Lord Macartney offrit au même empereur des tableaux de la part de George III, les Chinois, étonnés de nouveau des ombres portées, lui demandèrent si les personnages représentés avaient réellement un côté de la figure plus noir que l’autre.