Page:Duboscq - L'élite chinoise, 1945.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son aspect le plus général ; ou plutôt, ils ont voulu rendre sa signification profonde, car la matérialité des formes n’est indiquée que pour nous suggérer ce qui se cache par delà. Plus cette face de terre et d’eau, de vallées et de montagnes sera estompée de brumes et simplifiée par l’éloignement, mieux l’esprit se laissera deviner au travers. »

Et voici les titres de quelques sujets de peintures Song : Cloche du soir dans un temple éloigné, Derniers rayons sur un village de pêcheurs, Éclaircie dans la montagne après l’orage, Voiliers cinglant vers une côte lointaine. Il fallait, disait Kuo-Hsi, « des coups de pinceaux pleins d’intentions secrètes » pour rendre des aspects de nature si chargés de sens. Nous sommes en effet en pleine âme chinoise, en pleine union avec la nature, en plein abandon dans le Grand Tout ; nous avons dépassé toutes les doctrines esthétiques ; nous sommes d’une certaine manière à ce degré de la composition qui faisait dire à Ruskin : « La meilleure part de toute grande œuvre est toujours inexplicable ».

Ici cependant « l’inexplicable » s’explique peut-être, mais par autre chose qu’une esthétique : par le bouddhisme qui a saturé l’Extrême-Orient et s’y est intimement mêlé à la sensibilité de l’homme, au-delà même de toute croyance. On pourrait