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intuitive plutôt que dans l’analyse psychologique. Un paysage, sous son pinceau, ne sera pas simplement un « état d’âme », mais une révélation, une interprétation des forces cosmiques qui se cachent derrière les choses.

C’est sous la dynastie des Song (960-1279) que cet art toucha à son apogée et que suivant la phrase fameuse de Kuo-Hsi qui mourut en 1088, « un poème est une peinture sans forme visible et une peinture, une poésie qui a pris forme. »[1]

Lisez ce qu’écrit si joliment de cet art M. René Grousset dans son Histoire de la Chine, p. 244 : « Les éléments matériels, chez les maîtres de Hang-Tchéou[2] ne sont que pour nous transporter sur le plan de la pure spiritualité. En dépit du dessin le plus sûr qui fut jamais, le monde des formes dans cette école n’est plus selon la formule bouddhique, qu’« un monde de rosée », une écharpe de buées à travers laquelle les pics les plus vertigineux ne se dressent qu’en apparitions irréelles. Paysages noyés de brume et perdus de lointains poignants comme un visage. Et c’est bien le visage du monde que les maîtres de Hang-Tchéou ont voulu traduire sous

  1. Kuo-Hsi, Essai sur la peinture, p. 161. Traduction de l’Art en Chine et au Japon (Hachette).
  2. Hang-Tchéou, au sud de Chang-Haï, au bord de la baie du même nom, fut capitale de l’empire de 1132 à 1276.