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abusez. Les vers des anciens, que ce poëte a tournez en françois avec tant d’adresse, et qu’il a si bien rendus la partie homogene de l’ouvrage, où il les insere, que tout paroît pensé de suite par une même personne, font autant d’honneur à Despreaux, que les vers qui sont sortis tout neufs de sa veine. Le tour original qu’il donne à ses traductions, la hardiesse de ses expressions, aussi peu contraintes que si elles étoient nées avec sa pensée, montrent presque autant d’invention, qu’en montre la production d’une pensée toute nouvelle. Voilà ce qui fit dire à La Bruyere que Despreaux paroissoit créer les pensées d’autrui. C’est même donner une grace à ses ouvrages que de les orner de fragmens antiques. Des vers d’Horace et de Virgile bien traduits, et mis en œuvre à propos dans un poëme françois y font le même effet que les statuës antiques font dans la gallerie de Versailles. Les lecteurs retrouvent avec plaisir, sous une nouvelle forme, la pensée qui leur plût autrefois en latin. Ils sont bien aises d’avoir l’occasion de réciter les vers du poëte ancien, pour les comparer avec