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Ces pensées transplantées d’une langue dans une autre ne peuvent réussir qu’entre les mains de ceux qui du moins ont le don de l’invention des termes. Ainsi, lorsqu’elles réussissent, la moitié de leur beauté appartient à celui qui les a remises en œuvre. On ne diminue donc gueres le mérite de Virgile, en faisant voir qu’il avoit emprunté d’Homere une infinité de choses. Fulvius-Ursinus auroit pris une peine fort inutile, s’il n’avoit recüeilli tous les endroits que le poëte latin a imitez du poëte grec que pour diminuer la réputation du poëte latin. Virgile s’est, pour ainsi dire, acquis à bon titre la proprieté de toutes les idées qu’il a prises dans Homere. Elles lui appartiennent en latin, à cause du tour élegant et de la précision avec laquelle il les a renduës en sa langue, et à cause de l’art avec lequel il enchasse ces differens morceaux dans le bâtiment régulier dont il est l’architecte. Ceux qui se seroient flattez de diminuer la réputation de M Despreaux, en faisant imprimer, par forme de commentaire mis au bas du texte de ses ouvrages, les vers d’Horace et de Juvenal qu’il a enchassez dans les siens, se seroient bien