Page:Dubos - Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Tome 2,1733.djvu/411

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui porte le caractere de l’ âge et de la condition de celui qui la témoigne. Mais on attache d’abord ses regards sur un soldat, dont le visage et l’attitude font voir un homme plongé dans la réverie la plus sombre à la vûë de ce guerrier tombé dans la derniere misere d’un rang, qui fait l’objet de l’ambition des militaires. Ce personnage est si parlant, qu’on croit lui entendre dire : voilà quelle sera peut-être ma destinée après quarante campagnes. Un seigneur de la grande Brétagne étant à Rome, où il avoit porté ce tableau, le fit voir à Carle-Maratte. Quel dommage, dit ce peintre, par une de ces saillies qui font avec un trait la peinture du fond du cœur, qu’un ultramontain nous ait prévenu dans cette invention. J’ai même entendu dire à des personnes dignes de foi, que parmi le bas peuple de Rome, il s’étoit trouvé des hommes assez ennemis de la réputation de nos peintres françois pour déchirer les estampes gravées d’après Le Sueur, Le Brun, Mignard, Coypel et quelques autres peintres de notre nation, que les chartreux de cette ville ont placées avec des estampes gravées d’après des peintres italiens dans la