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cette partie du mérite d’un poëme ou d’un tableau, qu’on peut appeller le mérite étranger, mais c’est parce que la peinture et la poësie elles-mêmes sont incapables d’en décider. En cela les peintres et les poëtes n’ont aucun avantage sur les autres hommes. S’il se trouve des peintres et des poëtes capables de déceler sur ce que nous avons appellé le mérite étranger dans les poëmes et dans les tableaux, c’est qu’ils ont d’autres connoissances que celles de l’art de la peinture et de l’art de la poësie. Quand il s’agit d’un de ces ouvrages mixtes qui ressortissent à plusieurs tribunaux differens, chacun d’eux juge la question qui est de sa compétence. C’est ce qui donne lieu quelquefois à des jugemens opposez, et néanmoins équitables sur le mérite du même ouvrage. Ainsi les poëtes loüent avec raison le poëme de Lucrece sur l’univers, comme l’ouvrage d’un grand artisan, quand les philosophes le condamnent comme un livre rempli de mauvais raisonnemens. C’est ainsi que les sçavans en histoire blâment Varillas, parce qu’il se trompe à chaque page, quand les lecteurs qui ne cherchent que de l’amusement