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il traite avec toute l’invention dont la poësie est capable, le meurtre de Jules Cesar et les commencemens du regne d’Auguste. On ne pouvoit pas entretenir les romains d’un sujet qui les interessât davantage. Virgile met dans un autre livre, la fable miraculeuse d’Aristée, et la peinture des effets de l’amour. Dans un autre, c’est un tableau de la vie champêtre qui forme un païsage riant et rempli des figures les plus aimables. Enfin il insere dans cet ouvrage l’avanture tragique d’Orphée et d’Euridice, capable de faire fondre en larmes ceux qui la verroient veritablement. Il est si vrai que ce sont ces images qui sont cause qu’on se plaît tant à lire les georgiques, que l’attention se relâche sur les vers qui donnent les preceptes que le titre a promis. Supposé même que l’objet, qu’un poëme dogmatique nous présente, fût si curieux qu’on le lût une fois avec plaisir, on ne le reliroit pas avec la même satisfaction qu’on relit une églogue. L’esprit ne sçauroit joüir deux fois du plaisir d’apprendre la même chose, comme le cœur peut joüir deux fois du plaisir de sentir la même émotion. Le plaisir d’apprendre est consommé par le plaisir de sçavoir.