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On se prévient contre celui qu’on reconnoît n’être point ému. Or je ne sçais quoi de froid dans les exclamations, de forcé dans le geste, et de gêné dans la contenance, décelent toûjours l’acteur indolent pour un homme que l’art seul fait mouvoir, et qui voudroit nous faire pleurer sans ressentir lui-même aucune affliction, caractere odieux, et qui tient quelque chose de celui d’imposteur. Tous ceux qui exercent un de ces arts dont le but est d’émouvoir les autres hommes, doivent s’attendre d’être jugez suivant la maxime d’Horace : que pour faire pleurer les autres il faut être affligé. On imite mal une passion qu’on ne feint que du bout des lévres. Pour la bien exprimer, il faut que le cœur en ressente du moins quelque legere atteinte. Je conçois donc que le génie qui forme les excellens déclamateurs, consiste dans une sensibilité de cœur, qui les fait

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