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Durant la guerre de Civilis contre les Romains, Julius Sabinus, le même qui est si celebre par ses avantures, et par le courage de sa femme Eponine, ayant jetté avec mépris les monumens de l’alliance contractée autrefois entre la Cité de Langres et les Romains, il alla, suivi du peuple de sa patrie, attaquer la Cité des Sequanois qui vouloit demeurer fidele à l’Empereur. Il se donna entre les deux partis une bataille, où ceux de Langres furent défaits.

Nous rapportons ci-dessous un passage de Joseph, qui fait foi que sous le regne de Néron les Romains ne tenoient que douze cens hommes de troupes réglées dans l’intérieur des Gaules. Toutes les forces que l’Empire avoit dans cette grande Province, étoient postées le long du Rhin ? Douze cens soldats auroient-ils suffi pour garder cette vaste étenduë de côtes qui est depuis l’embouchure du Rhin jusqu’aux Pirénées, contre ceux des Barbares de la Germanie qui faisoient le métier de Pirates, si chaque Cité n’avoit point eu une Milice qu’on pouvoit mettre sur pied, et faire marcher en peu de tems aux lieux menacés d’une descente ?

Je crois qu’il seroit inutile d’aller chercher dans les Historiens postérieurs à Tacite d’autres preuves de ce que j’ai avancé, d’autant plus qu’il s’agit d’une chose vraisemblable par elle-même. La raison d’Etat vouloit que les Romains obligeassent les Cités des Gaules d’avoir chacune chez elle une Milice qui pût dans les occasions accourir au secours des troupes réglées qui gardoient le Rhin et les côtes de l’Ocean. Si l’on veut faire agir ici les Romains par les vûës d’une politique plus subtile, ils devoient obliger les Cités des Gaules d’avoir chacune sa Milice particuliere, afin que les contestations inévitables entre des voisins, y donnassent lieu à des hostilités que le Prince seroit toujours le maître de faire cesser, mais qui ne laisseroient pas d’entretenir entre ces Cités une aversion capable de les empêcher d’être jamais en assez bonne intelligence, pour se révolter de concert. Quoiqu’il en fût, il est certain que les Cités des Gaules n’étoient guéres en meilleure intelligence sous les Empereurs Romains qu’elles l’étoient quand leurs dissensions donnerent à Jules-Cesar le moyen de les assujettir l’une après