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que ces Alliés étoient aussi soumis aux Princes que les autres sujets. Ils étoient comme eux justiciables des Officiers de l’Empereur. Mais il suffisoit à Rome d’être obéïe.

Il lui importoit peu à quel titre.

On n’avoit point pû laisser à nos Alliés l’apparence de la liberté, sans leur laisser en même-tems le maniment des armes, ni le leur laisser sans le laisser aussi aux sujets voisins des premiers. Aussi l’Histoire fait-elle foi qu’on le leur avoit laissé. Nous voyons que sous les premiers Empereurs, et long-tems avant que Caracalla eût donné le droit de Bourgeoisie Romaine à toutes les Cités de la Gaule, les Officiers du Prince avoient coûtume dans les occasions de demander à ces Cités des secours de troupes, et que les Corps qu’elles faisoient marcher aussi-tôt, se trouvoient à des rendez-vous très-éloignés des lieux de leur séjour ordinaire, peu de tems après qu’ils avoient été commandés. Cela n’auroit pas pû se faire s’il n’y avoit pas eu dans chaque Cité un certain nombre d’Habitans qui eussent toûjours leurs armes prêtes, qui fussent subordonnés à des Chefs reconnus, qui fussent disciplinés en quelque maniere ; en un mot, s’il n’y avoit pas eu une Milice semblable à celles qui sont aujourd’hui dans les Etats de la Chrétienté, et semblable à celle que les Rhétiens ou les Grisons avoient certainement sous le regne de l’Empereur Vitellius. Les Helvetiens ou les Suisses ayant commis quelques hostilités contre celle des armées de Vitellius, que Cécina conduisoit en Italie, ce general résolut d’attaquer d’un côté son ennemi, tandis qu’il le feroit attaquer de l’autre par les troupes reglées qui étoient dans la Rhetie, et par la jeunesse du Païs qui étoit accoutumée au maniment des armes & disciplinée.

Je vais rapporter quelques faits qui prouvent encore mieux ce que je viens d’avancer, après avoir néanmoins pris la précaution d’avertir ceux des Lecteurs qui pourroient penser que j’approfondirois trop une matiere étrangere à mon sujet, que je prétends faire voir dans la suite que les Cités des Gaules avoient encore les Milices dont je vais parler, sous nos Rois Merovingiens, et qu’il est faux par consequent que les Francs eussent désarmé les Romains de cette grande Province de l’Empire.