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condition passée, & que la posterité puisse ignorer ce qu’ils ont été. »

Cet ordre donné par le Prince en termes clairs et précis, étoit suffisant pour faire exécuter sa volonté ; et les ordres que les Souverains envoyent à un de leurs Officiers, concernant les cas particuliers, n’ont pas coûtume d’être ni plus étendus, ni mieux motivés. Mais heureusement pour nous, Cassiodore qui a servi long-tems de Chancelier aux Rois Ostrogots, ne croyoit point qu’il dût faire toujours parler son Prince comme un Maître despotique, et qui dans ces sortes d’occasions n’a point à rendre compte du motif de ses volontés. Il le fait donc parler souvent dans les ordres envoyés à un Officier sur une affaire particuliere, comme les Souverains ont coûtume de parler dans le préambule qu’ils mettent à la tête d’une Loi generale et nouvelle, afin d’instruire leur Peuple des motifs qui les ont engagés à la publier. Il peut se faire que les Contemporains de Cassiodore ayent blâmé sa métode ; mais nous ne pouvons que sçavoir gré à cet illustre Ministre d’avoir affecté les Stiles raisonnés dont il s’est servi, puisqu’il nous instruit ainsi de plusieurs choses que nous ignorerions aujourd’hui, s’il eût fait parler toûjours ses Maîtres avec la brieveté d’un Empereur : voici donc ce qu’ajoute Cassiodore à l’ordre donné en faveur d’Agenantia, & cela dans la vûë de diminuer la jalousie, et de prévenir les plaintes, que le bienfait du Prince pouvoit exciter contr’elle et contre ses enfans.

« Cependant ils continuëront à porter les charges dont ils faisoient l’assiete auparavant : leur nouvelle condition les exposera à l’inquietude que causeront les bruits d’une taxe imprévûë & payable dans peu de jours. Ils craindront l’aspect des Collecteurs des deniers publics, & ils ne seront plus informés des ordres de la Cour, qu’après qu’ils auront été vûs par leurs Concitoïens. Agenantia & ses enfans appréhenderont ce qu’ils faisoient auparavant appréhender aux autres. Il faut que les personnes dont je change l’état se soient conduites avec sagesse lorsqu’elles ont été en autorité, puisqu’elles ne craignent point d’être surtaxées à l’avenir par des Concicoïens qu’elles ne pourront plus taxer à leur tour. »