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son zéle inutile & ses Ordonnances sans effet. On peut juger par l’évenement que je vais raconter, de ce qui arrivoit ordinairement à ce sujet-là.

Les complots de Stilicon, qui en ralliant les Payens avoit trouvé moyen de former dans la Cour même d’Honorius une conjuration formidable, avoient déterminé cet Empereur à publier son Edit du mois de Novembre de l’année quatre cens huit, par lequel il excluoit des principaux emplois de l’Etat tous ceux qui ne faisoient point profession de la Religion Catholique. Dès que la Loi eut été publiée, Généridus un des Barbares qui étoient dans le service de l’Empire, et qui faisoit profession du Paganisme[1], remit les marques de l’emploi dont il étoit actuellement revêtu, en déclarant qu’il l’abdiquoit. Honorius exhorta lui-même d’abord Généridus, à garder son emploi. Ce Prince soit que son dessein eût été tel, lorsqu’il avoit fait sa Loi, soit qu’il eût changé d’avis après en avoir vû les premiers effets, fit entendre à Généridus qu’elle n’étoit point une Loi sérieuse, ni qui dût être executée à la lettre, mais bien une de ces Loix d’exclusion generale que la Politique regarde comme une des grandes ressources des Souverains. En effet ces Loix leur donnent à la fois et le moyen de pouvoir sans désobliger personnellement aucun Particulier, se défaire des Officiers suspects de trahison, et le moyen de s’attacher par une distinction honorable, et qui ne coûte rien, les Officiers dignes de confiance, à qui l’on fait valoir comme une grande grace la dispense qui leur est accordée. Généridus répondit, que la Loi qui venoit d’être publiée faisoit tort à tant de braves gens, qu’il se garderoit bien de contribuer à la mettre en vigueur, ce qu’il feroit s’il en obtenoit une dispense. L’Empereur convaincu que plusieurs Officiers qu’il ne vouloit point perdre, suivroient l’exemple de Généridus, revoqua son Edit.

Nous verrons encore Litorius Celsus, et d’autres Payens commander les armées sous les successeurs d’Honorius. Plusieurs Romains ne pouvoient prendre la résolution d’abandonner le culte de ces Dieux, qu’ils s’imaginoient avoir soumis à Rome tant de Provinces, et qu’Horace et Virgile avoient chantés. Peut-être falloit-il pour extirper le Paganisme dans l’Empire d’Occident, que des Barbares élevés dans des principes bien differens, s’en rendissent les maîtres.

Les Citoïens des Gaules qui faisoient profession du Christia-

  1. Zoli. lib. 5. Ed. Ozon. p. 164.