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sés. Pour revenir à ce qui arriva lorsque les Gaulois apprirent à parler Latin, il se trouva que le genie de la langue naturelle des Aquitains étant plus approchant du genie de la langue Latine, que le genie de la langue des Celtes, les Aquitains en general apprirent à bien parler Latin, au lieu que les Celtes n’apprirent qu’à s’exprimer mal en cette même langue.

Severus Sulpitius, ou Severe Sulpice, à ce qu’on croit vulgairement, Evêque de Bourges, et l’un des Auteurs du cinquiéme siecle les plus connus, nous a laissé entr’autres Ouvrages, des Dialogues. Dans un de ces colloques il fait dire à l’un de ses interlocuteurs qu’il nomme Gallus, et qu’il suppose être Celte de naissance : « Etant né Celte comme je le suis, j’ai peine à me résoudre d’entreprendre de faire un discours suivi devant des personnes nées en Aquitaine, & dont mon langage écorcheroit les oreilles. Un autre Interlocuteur lui répond : Parlez en Latin Celtique, parlez même en Gaulois s’il le faut, pourvû que vous nous entreteniez de Saint Martin. »

Un autre Ecrivain celebre dans le même siécle, Sidonius Apollinaris, évêque de l’Auvergne, et né dans cette Cité, qui suivant l’ancienne division des Gaules par Nation, étoit du Pays des Celtes, quoique suivant la division politique des Gaules en dix-sept Provinces, elle fût de la premiere Aquitaine, écrit dans une lettre adressée à son compatriote Ecdicius : « Notre Pays vous a l’obligation du goût que les personnes de qualité y ont pris pour les Lettres, & du talent qu’elles y ont acquis d’écrire purement, soit en Vers, soit en Prose, après s’être défaites des mots & des phrases barbares du patois Celtique. » Je me réserve à traiter ce point-là encore plus au long, quand j’en serai à l’endroit de mon Ouvrage où il s’agira de l’interpretation d’un passage important de l’Histoire de Gregoire de Tours, concernant Childéric, et qui a paru toujours inintelligible, parce que bien qu’il soit écrit en latin, il est construit cependant suivant un tour de phrase de la langue naturelle des Celtes.