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de tems en tems dans les Gaules, leur servoient encore à y retenir plus aisément les anciens habitans dans le devoir. On n’aura donc pas beaucoup de peine à croire, que lorsque les Francs se furent établis sur la rive droite du Rhin, ce qui arriva dans le troisiéme siecle, les Romains n’ayent en suivant une maxime des plus constantes de leur gouvernement, permis en plusieurs rencontres à des Essains de Francs qui avoient envahi dans les Gaules quelque canton du territoire de l’Empire, de continuer à y demeurer, sous la condition d’y vivre désormais en bons sujets de cette Monarchie, et d’obéïr aux ordres de ses Officiers.

Ainsi l’on parloit la langue Latine et la langue Teutone, qui étoit celle des Germains, dans les deux Provinces Germaniques, et dans une partie de la premiere Belgique, comme dans une partie de la seconde. Ce qui peut confirmer cette verité, c’est que l’Allemand qui est un idiome du Teuton, est encore aujourd’hui la langue vulgaire dans une partie de l’ancien Diocèse de Tournay, dans une partie de l’ancien Diocèse de Trèves, dans l’Alsace, et dans les autres contrées de la Gaule, où nous venons de voir que les Germains devoient faire le gros du peuple au commencement du cinquiéme siecle. Quand le Latin cessa d’être une langue vivante dans les Gaules, les habitans des deux Provinces Germaniques, et une partie des habitans du Diocèse de Tournay et du Diocèse de Trèves, s’en seront tenus à leur langue vulgaire, à celle de leurs Peres, au lieu que dans les autres pays de cette grande Province de l’Empire, les Habitans s’y seront fait une langue composée de mots Latins, comme de mots tirés de celle des langues Gauloises qu’on y parloit, et ils les auront construits suivant la syntaxe des langues Barbares, moins élegante à la verité, mais bien plus facile que la syntaxe de la langue Latine.

Comme les habitans des Gaules parloient des langues differentes lorsqu’ils apprirent à parler Latin, il n’étoit pas possible qu’ils l’apprissent tous également bien. L’experience enseigne que notre langue naturelle nous donne plus ou moins d’aptitude pour apprendre et pour bien parler une certaine langue étrangere. Par exemple, un Suedois apprend plus facilement qu’un Anglois à bien parler la langue Françoise. Il y a des langues dont la prononciation et le genie se ressemblent. Il y en a dont la prononciation et le genie paroissent oppo-