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contre les ennemis étrangers, et par consequent à entretenir une correspondance continuelle dans quelque lieu neutre, qui fût comme la capitale de toute la monarchie ; mais cela n’empêchoit pas que les possesseurs actuels de nos partages, ne fussent ainsi que le sont les loüables cantons, pleinement souverains et indépendans les uns des autres, et par conséquent que chacun de ces partages ne formât un royaume actuellement séparé des autres.

En effet tant qu’une monarchie n’a point, pour ainsi dire, un chef commun, et dont la superiorité soit reconnuë par les princes qui gouvernent ses differentes portions ou les differens états dans lesquels cette monarchie est divisée, elle ne sçauroit être réputée un seul et même corps politique. Elle n’est pas une seule et même societé, tant qu’il n’y a point un pouvoir absolu, à qui tous ses sujets puissent avoir recours, lorsque les voyes de conciliation ne mennent point à un accord, et qui soit en droit de donner des ordres à tous ceux qui en sont membres. C’est ce qui n’étoit point dans la monarchie Françoise, lorsqu’elle étoit divisée en plusieurs partages.

Nous verrons encore dans la suite de cet ouvrage que les successeurs de Clovis regardoient si bien leurs partages comme des royaumes séparés, et qui n’étoient point actuellement la portion d’un corps politique plus étendu, qu’ils ne vouloient point que les évêques dont le diocése se trouvoit dans leur partage, assistassent sans une permission spéciale, aux conciles convoqués pour être tenus dans un autre partage que le leur.

Dès que les rois Francs successeurs de Clovis, et qui étoient tous ses descendans, regnoient sans aucune dépendance les uns des autres, on ne doit point avoir de peine à se rendre aux preuves positives que nous avons alléguées déja, pour montrer que lorsque ce prince commença son regne, il n’avoit aucune autorité sur les autres rois des Francs, et que chacun de ces princes étoit dans ses états un souverain indépendant. Clovis pouvoit tout au plus avoir quelque crédit sur eux. Si l’on voit que dans quelques occasions, ils l’ont aidé de leurs forces, et même qu’ils ont servi en personne dans ses camps ; ç’aura été en qualité de ses alliés, et comme Clovis lui-même a servi dans les leurs, mais non point en qualité de princes, subordonnés au chef d’une monarchie dont ils fussent les membres, ou pour parler le stile des temps posterieurs, en qualité de ses vassaux.