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les royaumes possedés par ses cadets ou par les fils de ses cadets. Quoique les partages de tous ces princes ne fussent autre chose au fonds, que des portions differentes de la monarchie Françoise, qui toutes devoient même être réünies réciproquement les unes aux autres au défaut de la posterité masculine des compartageans, néanmoins il n’y avoit aucune subordination entre leurs possesseurs. Tous les successeurs de Clovis étoient également souverains indépendans. Chaque partage formoit un royaume à part, et que le prince auquel il étoit échu, gouvernoit indépendamment des autres rois. On observe même en donnant quelqu’attention aux pactes et aux traités que les rois Mérovingiens faisoient les uns avec les autres, que ces princes regardoient réciproquement les partages où regnoient leurs freres et leurs cousins, comme des royaumes étrangers. Si la monarchie françoise lorsqu’elle étoit divisée en plusieurs partages, ne laissoit pas d’être encore un même corps d’Etat, ce n’étoit qu’à quelques égards, et parce qu’en certains cas tous ces partages étoient réunissables les uns aux autres.

Nonobstant ce lien, nos partages appellés en latin, Sortes, subsistoient en forme d’Etats séparés, et qui n’avoient d’autre obligation l’un envers l’autre, que celles qu’impose le droit des gens aux Etats voisins l’un de l’autre, ou celles qui étoient contenuës dans les traités que leurs souverains faisoient entr’eux. En effet les sujets d’un partage étoient regardés comme étrangers dans les autres partages. Pour user de notre expression, les sujets d’un royaume étoient réputés aubains dans les autres royaumes. Je m’explique. Si les sujets d’un de nos rois Mérovingiens pouvoient commercer et posseder des fonds dans les Etats des autres rois, ce n’étoit point parce qu’en vertu de leurs droits naturels, ils y fussent réputés citoyens, ou regnicoles ; c’étoit en vertu de stipulations expresses énoncées formellement dans les traités que les princes compartageans faisoient entr’eux, qu’il étoit permis respectivement aux sujets des puissances contractantes, de tenir des biens fonds dans le territoire des rois dont ils n’étoient pas sujets, et d’en joüir sans trouble. Lorsqu’il n’y avoit point un traité qui donnât aux sujets de part et d’autre un pareil privilege, l’on opposoit au sujet d’un prince qui vouloit joüir des biens qu’il avoit dans le territoire d’un autre prince, la maxime : Que personne ne peut servir deux maîtres à la fois ; et l’on prétendoit qu’elle