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nerale rendit saint Aprunculus qui étoit Evêque de cette Cité, suspect aux Bourguignons, & la haine qu’ils conçurent pour lui en vint au point, qu’ils donnerent ordre de le faire mourir secretement. Saint Aprunculus qui en fut averti à tems, se fit descendre la nuit de dessus les murailles de Dijon où il se trouvoit alors, & il se réfugia en Auvergne. Aussitôt après son arrivée, il fût élû l’onziéme Evêque de ce Diocèse ; ainsi que le Seigneur l’avoit révelé à Sidonius Apollinaris. »

Bien des gens pourront penser que sa prophétie ne fut qu’une prédiction humaine, et fondée sur la connoissance qu’il avoit de la découverte que les Bourguignons venoient de faire des intelligences d’Aprunculus avec les Francs, comme de l’inclination que les Auvergnats avoient déja pour les derniers, et par consequent pour tous leurs partisans. L’aversion de Sidonius pour les Visigots, la crainte d’un nouvel éxil, et sa haine pour l’arianisme avoient bien pû le faire entrer lui-même dans les vûës d’Aprunculus. Nous verrons encore dans la suite de l’histoire trois autres évêques catholiques chassés de leurs siéges, comme coupables d’intelligence avec Clovis. On peut même croire que tous ceux qui étoient de ses amis dans les pays tenus par les Visigots, et par les Bourguignons, ne furent pas découverts, et que tous ceux qui furent découverts, ne furent point pour cela chassés de leurs siéges.

Au reste ces prélats ont pû faire tout ce qu’ils ont fait pour servir Clovis au préjudice des barbares qui s’étoient cantonnés dans leurs diocèses, sans mériter en aucune maniere le nom de rebelles. La condition de ces prélats n’étoit pas celle des évêques dont le souverain naturel a par un traité revêtu de toutes les formes, cedé les diocèses à un autre souverain, et qui en conséquence de ce traité par lequel ils ont été liberés de droit de leur premier serment, ont prêté un autre serment de fidélité à leur nouveau maître. L’empire n’avoit point encore cédé valablement la pleine souveraineté d’aucune portion des Gaules. Les Gaulois étoient donc encore dans les tems dont je parle, sujets de l’empire, et non pas sujets des rois Visigots et des rois Bourguignons. Au contraire nos évêques ne pouvoient regarder ces princes, que comme des tyrans, que comme des usurpateurs, qui vouloient se rendre souverains absolus dans les contrées où tout au plus ils devoient avoir des quartiers. Ainsi durant l’espece d’anarchie qui a eu