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Gondebaud étoit en état de soûtenir avec force les prétentions qu’il pouvoit avoir comme patrice, sur les provinces obéïssantes. Il étoit à la tête d’une nation brave et nombreuse. Nous allons voir qu’il étoit maître de la cité de Langres, qui tenoit en sujetion une partie des provinces obéïssantes, et il avoit assez de crédit à Constantinople pour obtenir les diplomes qu’il demanderoit à Zénon que les Romains des Gaules regardoient alors comme leur empereur légitime. Nous rapporterons dans la suite plusieurs preuves des liaisons étroites que Gondebaud entretenoit avec les empereurs d’Orient. Dans ces conjonctures, si les provinces obéïssantes n’eussent point choisi Clovis pour maître de la milice dès qu’elles eurent appris la mort de Childéric, elles eussent été de nouveau exposées à tomber sous le pouvoir de Gondebaud, qui auroit voulu comme patrice, être le maître du gouvernement civil aussi-bien que du gouvernement militaire. Du moins Clovis qui devenoit seulement maître de la milice, devoit-il laisser l’administration du pouvoir civil à ceux qui depuis plusieurs années étoient en possession de l’exercer.

D’un autre côté, les Romains des provinces obéïssantes, et surtout les ecclésiastiques, devoient mieux aimer, s’il falloit avoir un roi barbare pour maître, d’en avoir un qui fût payen, qu’un qui fût hérétique. Il y avoit moins à craindre pour eux, de Clovis idolâtre, que de Gondebaud arien. Le paganisme étoit sensiblement sur son déclin, et l’on pouvoit se promettre plûtôt la conversion d’un prince payen, que celle d’un prince arien. En second lieu, comme la religion payenne n’avoit rien de commun avec la religion chrétienne, les prêtres payens n’avoient aucun droit apparent de demander à leurs princes de les mettre en possession des églises bâties et dotées par les chrétiens. Au contraire les ecclésiastiques ariens, qui faisoient profession du christianisme, et qui même osoient prétendre que leur communion fût la véritable église chrétienne, avoient un prétexte plausible de demander les temples et les revenus du clergé catholique, et ils ne les demandoient, et ne les obtenoient que trop souvent. Ce qu’Euric qui vivoit encore pour lors, faisoit tous les jours dans les provinces où il étoit le maître, devoit faire appréhender encore plus aux catholiques des provinces obéïssantes de tomber sous la domination de Gondebaud. La persécution d’Euric devoit même inspirer aux catholiques qui se trouvoient sous la domination