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consequemment par une autre voye que celle de succession ; c’est ce qui ne convient gueres à la couronne des Francs Saliens, qui dès lors étoit successive ou comme successive. La lettre dit vos peres au pluriel, parce que peut-être Merovée grand-pere de Clovis avoit exercé durant quelque-tems l’emploi que Childéric exerçoit lorsqu’il mourut. Peut-être aussi saint Remy entend-il parler en disant à Clovis vos peres, et de Childéric, et de quelques-uns des rois Francs que nous avons vûs maîtres de la milice sous les empereurs d’Occident, et qui pouvoient être du nombre des ancêtres de Clovis. Nous ne sçavons que très-imparfaitement la généalogie de ce prince, dont nous ne connoissons certainement que le pere et l’ayeul ; ainsi l’histoire ne fournit rien qui contredise notre conjecture. En second lieu, l’emploi dont il s’agit, est qualifié d’administration, et nous avons déja eu l’occasion de dire que ce mot convenoit à la gestion d’un officier qui commande au nom d’autrui, et qui exerce une autorité déposée entre ses mains, mais non pas à un souverain qui exerce une autorité qui lui est propre, qui lui appartient personnellement. En troisiéme lieu, je remarquerai que le reste de la lettre appuye encore mes premieres observations. Il contient des conseils qui regardent la conduite que Clovis doit tenir, comme maître absolu du Tournaisis, et d’autres qui regardent la conduite que ce prince avoit à tenir comme maître de la milice Romaine dans les provinces obéissantes. Le conseil donné à Clovis de ne point faire d’exaction dans son bénefice militaire, regarde le Tournaisis, ou si l’on veut, le royaume de ce prince. Nous avons vû dès le premier livre de cet ouvrage que les bénefices militaires n’étoient autre chose que la joüissance d’une certaine étenduë de terres que les empereurs donnoient aux soldats, et aux officiers pour leur tenir lieu de solde, et de récompense. Nous avons vû aussi qu’il étoit devenu d’usage sous les derniers empereurs, de conferer aux barbares qui s’étoient attachés au service de la monarchie romaine, de ces sortes de bénefices, et que ceux qui en avoient obtenus s’appelloient les Létes , ou les Contents . Saint Remi qui étoit encore sujet de l’empire, pouvoit-il suivant ses principes donner un nom plus convenable à l’Etat que les auteurs de Clovis avoient conquis sur la monarchie Romaine, qu’en qualifiant cet Etat de bénefice militaire, c’est-à-dire d’une étenduë du territoire, dont on laissoit joüir Clovis et les Francs ses sujets en qualité