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mene ou qu’il envoye ses troupes servir un autre prince, ne veuille en prendre une pareille, et à qui le potentat au service de qui les troupes passent, n’accorde de la prendre ; en effet c’est le meilleur moyen d’empêcher ceux qui composent ces troupes d’oublier quel est leur souverain naturel, comme de prendre l’idée qu’ils soient à tous égards les sujets de la puissance dont ils se trouvent être actuellement les soldats. C’est enfin le moyen le plus efficace d’entretenir parmi ces troupes l’esprit de retour dans leur patrie. D’ailleurs les hommes étant ce qu’ils sont, la reserve de sa juridiction que le souverain qui prête ou qui loue de ses troupes, fait en sa faveur et au préjudice des droits naturels du prince dans le territoire de qui elles vont servir, prévient plusieurs injustices, qui arriveroient sans cette réserve.

Les puissances qui envoyent des troupes auxiliaires dans un pays étranger, remettent ordinairement la jurisdiction qu’ils ont en vertu du droit naturel, sur leurs sujets, et qu’ils se sont réservée, entre les mains d’un conseil de guerre national, c’est-à-dire, composé d’officiers nationaux. Tel est par exemple l’ordre judiciaire établi parmi les troupes Suisses qui servent le roi très-chrétien, les Etats Géneraux des Provinces-unies et quelques autres potentats. Le canton qui permet la levée d’un regiment remet la jurisdiction qu’il a sur ceux qui le composent, entre les mains des officiers qui le commandent, pour être exercée conformément aux capitulations generales et particulieres faites à ce sujet. A plus forte raison, lorsqu’un prince qui fournit des troupes auxiliaires à un autre Etat, mene en personne ces troupes, peut-il exercer par lui-même la jurisdiction naturelle qu’il a sur ses sujets ; et peut-il les juger de même qu’il les jugeroit s’ils étoient sur son propre territoire, et cela nonobstant qu’ils soient actuellement sur le territoire d’autrui. Lorsque le roi d’Angleterre Guillaume III faisoit la guerre en Brabant, et sur le territoire du roi d’Espagne, n’y avoit-il pas l’exercice suprême de la justice sur les officiers et sur les soldats des troupes Angloises, comme il l’auroit euë si ces troupes eussent été en Angleterre ? Childéric ne fit donc rien à Paris que le roi Guillaume n’ait pû faire à Bruxelles en mil six cens quatre-vingt-douze, quoiqu’il ne fût pas cependant le souverain de cette ville-là. Childéric ne fit même rien dans Paris que ce que pourroit faire un colonel suisse en garnison à Lisle ou bien à Mas-