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commode dans un païs froid, pour les quitter par la raison qu’on ne s’en servoit point à Rome. Voilà pourquoi les Aquitains avoient conservé leurs grands haut-de-chausses nommés Bracca, qu’ils portoient encore du tems de nos Rois de la seconde Race.

Mais les Gaulois n’avoient point attendu qu’ils fussent tous Citoïens Romains pour prendre les mœurs et les usages des Romains. L’endroit des plus curieux des annales de Tacite, est peut-être l’extrait du Discours que l’Empereur Claudius prononça dans le Sénat, en faveur des Habitans de la Gaule Transalpine. Une des raisons qu’il employa pour déterminer cette Compagnie à donner aux principales familles de celles des Cités des Gaules qui avoient la Bourgeoisie Romaine, ou qui jouissoient de l’état d’Alliés du Peuple Romain, le droit de posseder les grandes dignités de l’Empire, fut celle-ci : que les Gaulois avoient déja les inclinations des Romains, qu’ils faisoient les mêmes études qu’eux ; que les Gaulois épousoient tous les jours des Romaines, et les Romains des Gauloises.

Il y avoit donc long-tems quand le cinquiéme siecle commença, que le Latin étoit dans les Gaules, la langue du culte Religieux, celle de l’Etat, celle des Tribunaux, celle des Sçavans, et generalement parlant celle de tous les Citoïens. Dans les païs où la langue vulgaire étoit la langue Grecque, il avoit été peut-être moins nécessaire aux Habitans d’apprendre le Latin, parce que les Romains eux-mêmes étudioient le Grec qui leur ouvroit la porte des Sciences ; mais je crois qu’il y avoit bien peu de Romains qui daignassent apprendre ou le Celte ou l’Aquitain. Les Romains ne voulant pas devenir Gaulois, il avoit fallu que les Gaulois devinssent Romains. En effet, nous voyons par l’Histoire que dès le tems de l’Empereur Vespasien les principaux d’entre les Gaulois portoient déja des noms Latins. Le Batave qui fut alors l’auteur de la revolte de ses compatriotes s’appelloit Claudius Civilis. Un de ses parens se nommoit Claudius Labeo[1]. Le Gaulois qui dans ce tems-là même fit soulever la cité de Langres, se nommoit Julius Sabinus. On pourroit encore alleguer mille autres exemples pareils.

Tous les Ouvrages composés dans le cinquiéme siecle &

  1. Tacit. Histor. lib. 3.