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aux depens de notre liberté. Les Auvergnats vont devenir esclaves, eux qui peuvent se vanter d’être sortis du même sang que les Fondateurs de Rome, & de tirer aussi leur origine des Troyens ; eux qui servoient de bouclier aux Gaules contre les traits de l’ennemi commun : eux qui ont soutenir avec tant de courage les siéges mis devant leur Ville Capitale par le Visigot, qu’ils ont mieux aimé se nourrir des herbes qui croissoient dans les crevasses de leurs murailles, que de se rendre ; de maniere que contre l’ordinaire on voyoit alors la terreur dans le Camp des Assiegeans, & la confiance dans la Place attaquée. Voilà quels sont les fideles Sujets qu’on veut livrer aux Barbares. Qu’on nous laisse du moins soutenir encore des sieges, & nous défendre ; nous sommes prêts à subir les dernieres extrêmités pour demeurer Romains. » Sidonius ajoute ensuite, que livrer une province au barbare, c’est donner un maître cruel à ses habitans ; mais que livrer l’Auvergne aux Visigots, c’est condamner ses citoyens au supplice. On a vû que les Auvergnats étoient extrêmement haïs des Visigots à cause que la longue resistance qu’ils avoient faite, avoit empêché long-tems ces barbares d’étendre leurs quartiers dans les provinces voisines. » Enfin dit Sidonius, si vous & vos amis qui entrez si avant dans cette infâme négociation, vous livrez notre Patrie, ayez du moins quelque soin de notre vie. Faites construire des cabanes où nous puissions nous retirer, & préparez-nous du pain. »

Notre évêque dont les parens étoient les plus puissans citoyens de l’Auvergne, ne pouvoit point voir sans horreur sa patrie livrée à un maître, qui peut-être en confieroit le gouvernement à leurs ennemis particuliers. Cependant l’Auvergne fut remise aux Visigots, et Euric y fit aller Victorius pour y commander en son nom. Nous avons déjà parlé de ce Victorius, et nous en parlerons encore dans la suite. Quant à Sidonius Apollinaris, les Visigots qui le regardoient comme leur ennemi déclaré, soit à cause de ce qu’il avoit fait pour les empêcher