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bien Nepos ceda-t’il seulement cette grande province de l’empire aux Visigots pour la tenir ainsi, et de la même maniere qu’ils avoient tenu, ou dû tenir jusques-là, une partie de la premiere Narbonnoise, une partie de la seconde Aquitaine, en un mot tous les pays où ils s’étoient établis par concession des empereurs ; c’est-à-dire, pour y joüir seulement d’une partie des revenus du fisc, laquelle leur tiendroit lieu de la solde qui leur étoit dûë, comme à des troupes auxiliaires, que la monarchie Romaine avoit prises à son service, et à condition d’y laisser toujours joüir l’empereur des autres droits de souveraineté ? S’il s’agissoit d’une pareille cession faite dans le douziéme siecle, nous dirions, a-t’elle été faite à condition que les princes, qui devoient en joüir, tiendroient les Gaules en qualité de vassaux et de feudataires de l’empire Romain ; ou avec la clause qu’ils les tiendroient en toute souveraineté, et sans relever, ni être mouvans de personne. Voici mes conjectures touchant cette question. Véritablement elles ne sont fondées que sur les évenemens posterieurs ou sur quelques mots échappés aux auteurs du cinquiéme et du sixiéme siecles ; je dis échappés, car ces écrivains n’ont pas songé à nous instruire là-dessus.

En premier lieu, Jornandès dit dans le quarante-septiéme chapitre de son histoire des Gots, où il donne une idée génerale des conquêtes d’Euric : « Ainsi Euric ayant accepté les offres d’amitié que les Vandales d’Afrique lui avoient faites, il se rendit maître des Espagnes, & des Gaules, sur lesquelles il regna dès lors en vertu de son propre droit. Il soumit même les Bourguignons, & il mourut enfin dans Arles, la dix-neuviéme année de son regne. » Il me semble plus je relis ce passage, qu’il signifie, qu’Euric avoit acquis sur l’Espagne et sur la Gaule un droit que n’avoient pas les rois Visigots ses predecesseurs, et qu’il contraignit même les Bourguignons, qui étoient après les Visigots, le peuple le plus puissant qui fût alors entre les nations barbares établies dans ces deux grandes provinces de la monarchie Romaine, à reconnoître ce droit, et à lui promettre au moins, de lui rendre les mêmes déférences, et les mêmes services qu’ils étoient tenus auparavant de rendre aux empereurs. En effet c’est dans ce sens--