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roient actuellement, et d’un autre côté on avoit encore dans l’Occident durant le cinquiéme et le sixiéme siecles un extrême respect pour l’empire Romain dont on avoit vû long-tems les principaux officiers traiter d’égal à égal, et même de superieur à inferieur avec les rois les plus puissans. Plusieurs de ces rois n’avoient même été que des chefs donnés par les empereurs aux nations barbares voisines du territoire de la monarchie Romaine. Ainsi les princes dont nous parlons, ne croyoient point qu’ils se dégradassent, en remplissant des emplois qu’avoient exercés Aëtius, Egidius, et d’autres Romains dont la mémoire étoit encore en vénération. D’ailleurs les rois barbares qui acceptoient les grandes dignités de l’empire, ne laissoient pas de demeurer de veritables souverains. En qualité de chefs suprêmes d’une nation qui étoit alliée de l’empire, et non pas sujette de l’empire, ils étoient toujours des potentats, qui ne relevoient que de Dieu et de leur épée, et par conséquent des rois indépendans.

Qu’un prince indépendant puisse sans déroger à son rang et à son état, accepter un emploi qui le met dans la nécessité de recevoir une instruction et même des ordres d’une autre puissance, et qui le rend à certains égards comptable de sa gestion à un autre souverain, on n’en sçauroit douter. Dans les questions du droit des gens, et celle-ci en est une, le sentiment des potentats doit avoir autant de force qu’en a le sentiment des juges d’un district dans toutes les questions qui viennent à se mouvoir concernant le veritable sens d’un article de la coutume de ce district. Or les exemples font foi que les souverains ne croyent pas que ceux d’entr’eux qui acceptent des emplois qui les subordonnent à certains égards, à un autre prince, se dégradent en aucune maniere. Sans sortir de notre âge, ne vîmes-nous pas durant la guerre terminée par la paix de Riswick, Guillaume III roi d’Angleterre, exercer l’emploi de capitaine géneral, et d’amiral géneral des Provinces Unies, et agir en cette qualité suivant les ordres que les états généraux lui donnoient ? Nous vîmes encore le roi de Sardaigne commander durant cette guerre-là l’armée d’Espagne et ensuite celle de France. Ce même prince n’a-t-il point encore commandé durant la guerre terminée par la paix d’Utrecht, l’armée des couronnes de France et d’Espagne, et dans la suite celle de l’empereur. On a vû encore pendant cette guerre l’Electeur de Baviere commander les armées de