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Gregoire de Tours, que les interprétations qu’il fait d’un passage obscur de cet historien ne doivent être d’aucun poids, et par conséquent qu’on ne sçauroit prétendre qu’il nous faille déferer à l’autorité de l’abbreviateur dans les occasions où nous avons de bonnes raisons pour entendre quelques endroits du livre dont il fait l’épitome, autrement qu’il ne lui a plû de les entendre. La seconde est, que l’auteur des Gestes et tous les écrivains qui sont venus depuis lui n’ayant fait que se conformer à l’interprétation de l’abbreviateur, leur témoignage n’ajoute rien à l’autorité de son interprétation. Il s’ensuivra seulement qu’ils se seront trompés en s’en rapportant à lui.

Nous sommes pleinement en état de juger de la capacité de notre faiseur d’épitome, puisque nous avons et son ouvrage et le livre qu’il a voulu abreger. Comme il intitule cet ouvrage : Gregorii Episcopi, Turonensis Historia Francorum Epitomata. On ne sçauroit refuser de croire que son dessein n’ait été de donner un extrait fidele de l’Histoire de Gregoire de Tours, et il est sensible par plusieurs exemples, que son extrait est souvent infidele et dit le contraire de ce que dit son original. Entrons en preuve.

Gregoire de Tours rapporte un passage de Sulpitius Alexander, dans lequel on lit[1] : que Nannenus et Quintinus qui commandoient l’armée romaine dans les Gaules, ayant battu les francs en-deçà du Rhin, Quintinus s’obstina à les poursuivre jusques dans leur propre pays. Quintinus passa donc le Rhin à Nuitz sans Nannenus, et il entra hostilement dans le pays des Francs qui le reçurent si bien, qu’il perdit presque tous les officiers de son armée, entr’autres Heraclius tribun des Joviniens, et qu’il eut enfin beaucoup de peine à faire sa retraite. On voit par la notice de l’empire, qu’il y avoit dans son service plusieurs corps de troupes qui portoient le nom de Joviniens[2], et l’on apprend dans Zosime, qu’ils portoient ce nom, parce qu’ils avoient été levés par l’empereur Dioclétien, qui vouloit qu’on l’appellât Jovien comme étant protegé spéciale-

  1. Vers l’année 380.
  2. Not. Imp. part. 2, pages 124 & 226.