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l’explique comme l’ont fait jusques ici tous les auteurs qui l’ont employé. En supposant comme ils le supposent, qu’il faille entendre de Childéric ce que l’historien dit d’Audoagrius, et en voulant que ç’ait été le roi des Francs, et non point le roi des Saxons qui ait pris Angers après avoir tué Paulus, ils embrouillent le tissu de notre histoire, au lieu qu’il est très-clair en suivant mon interprétation. Mais, comme ces auteurs ne se sont pas déterminés au parti qu’ils ont pris, sans avoir des raisons très-spécieuses, je vais employer un chapitre entier à réfuter leur sentiment et à établir mon opinion. Il faut néanmoins avant que de commencer ce chapitre, que je dise quelque chose concernant les Isles des Saxons, dont il est parlé dans l’endroit de l’histoire de Gregoire de Tours, qui vient d’être rapporté, et qu’il s’agit ici d’expliquer.

Quelques auteurs du dix-septiéme siecle ont imaginé que ces Isles des Saxons que les Francs prirent et dont ils rompirent les digues, étoient des isles situées dans le lit de la Loire et où s’étoit retranché Audoagrius lorsqu’il vint faire sa premiere descente sur la rive de ce fleuve vers l’année quatre cens soixante et trois. Ils supposent que ce prince y fut toujours demeuré depuis et que ce furent ces isles que les Francs prirent sur lui, quand les Saxons après la mort de Paulus, eurent été obligés par l’armée impériale à évacuer l’Anjou et qu’ils eurent été battus en se rembarquant. Je ne vois que deux choses qui ayent pû engager nos auteurs à donner l’être à ces isles imaginaires. L’une de n’avoir point sçû que dès le tems de Ptolomée on donnoit le nom d’ isles des Saxons à Nostrand et à quelques autres isles de l’ocean Germanique qui sont au septentrion de l’embouchure de l’Elbe. Nous avons suffisamment parlé dans le premier livre de cet ouvrage de la situation de ces isles et des avantages qu’en tiroient les saxons dans leurs guerres piratiques. La seconde chose qui ait pû engager nos auteurs du dix-septiéme siecle à placer dans la Loire les Isles des Saxons, c’est qu’ils auront pensé qu’Audoagrius devoit être resté dans les Gaules durant le tems qui s’écoula entre ses deux expéditions, celle qu’il fit du vivant d’Egidius en quatre cens soixante et quatre, et celle qu’il y fit vers quatre cens soixante et onze. Nos auteurs croyant ce tems beaucoup plus court qu’il ne l’a été, et ne faisant point attention à la facilité avec laquelle les Saxons faisoient leurs voyages, ont supposé donc, que les Saxons fussent restés sur la Loire durant