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quefois jusques sur les confins de l’Auvergne, où Sidonius avoit part alors au gouvernement comme un des sénateurs de cette cité, a dû sçavoir mieux le véritable nom de Riothame, que Jornandès qui n’a écrit qu’au milieu du sixiéme siecle. Quant au titre de roi que Jornandès donne à ce Rhiothame, il suit en le lui donnant, un usage qui commençoit à s’établir dès le cinquiéme siécle, et qui étoit géneralement reçû dans le sixiéme, tems où notre auteur écrivoit. Cet usage étoit de donner, comme nous l’avons déja dit ailleurs, le nom de roi à tous les chefs suprêmes d’une societé libre, et qui ne dépendoit que des engagemens qu’elle prenoit. Or les Bretons Insulaires que Riothame commandoit, n’étoient plus sujets de la monarchie Romaine. Ils étoient devenus des étrangers à son égard, et ils ne lui devoient plus ce qu’ils lui avoient promis par la capitulation qu’ils venoient de faire avec elle.

Soit que cet usage ne fut point encore pleinement établi du tems de Sidonius, soit que Sidonius crût qu’une personne qui tenoit un rang tel que le sien, ne dût point s’y soumettre, il ne qualifie Riothame que de son ami, et il le traite même avec familiarité, dans la lettre qu’il lui écrivit quand nos Bretons étoient déja postés dans le Berri. On va le voir par sa teneur.

» Voici encore une Lettre dans le stile ordinaire, vous y trouverez à la fois des complimens & des plaintes ; mais ce n’est point ma faute, & l’on doit s’en prendre au malheur des tems. Il donne lieu chaque jour à quelque désordre dont mon devoir m’oblige à faire des plaintes, quoiqu’il soit bien difficile de faire des plaintes sans rien dire de désagréable, surtout quand on s’adresse à des personnes qui ont le cœur assez bon, pour rougir des fautes d’autrui. Le Porteur de ma Lettre, qui est un homme d’une condition médiocre, se plaint que les Bretons lui ont débauché certains esclaves qui se sont enfuis de sa maison. Je ne sçai pas bien si le fait est vrai, mais il me paroît qu’il vous sera facile de l’éclaircir, en confrontant ce pauvre homme avec ceux qu’il accuse ; & en lui témoignant pour lors une bonne volonté