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conséquent à leur accorder bien des concessions, qu’ils leur auroient refusées en d’autres circonstances. Je commencerai à traiter cette matiere, en répetant ce que j’ai déja dit au commencement du chapitre où nous en sommes : qu’il n’y a point d’apparence que le roi des Visigots soit entré en guerre ouverte avec l’empire Romain avant l’année quatre cens soixante et dix, ou du moins avant la fin de l’année quatre cens soixante et neuf, comme il a déja été observé. Idace dont la cronique va jusqu’à cette année-là, y auroit fait mention, de la rupture survenuë entre les deux nations, si elle avoit eu lieu plûtôt et il n’en parle point. Aucun évenement ne pouvoit l’interesser davantage, puisqu’il étoit Romain de naissance comme d’inclination, et qu’il étoit évêque en Espagne, où Euric commença la guerre, en s’y rendant maître, suivant le passage d’Isidore qu’on vient de rapporter, des provinces que l’empire y tenoit encore. Mais les projets d’Euric auront été connus d’Anthemius quelque-tems avant que les deux nations en vinssent aux armes.

Jornandès après avoir parlé de l’avenement d’Anthemius à l’empire, et après avoir dit que Ricimer, gendre de cet empereur, défit au commencement du regne de son beau-pere, c’est-à-dire, en quatre cens soixante et sept, un corps d’Alains qui vouloit pénétrer en Italie, ajoûte : » Euric voyant les fréquentes mutations de Souverain qui survenoient dans le Partage d’Occident, résolut de faire valoir les prétentions que les Visigots, dont il étoit Roi, pouvoient avoir sur les Gaules. » Quoique les Romains eussent accordé uniquement aux Visigots le droit d’y joüir des revenus que l’empire avoit dans certaines cités, afin que ce revenu leur tînt lieu de la solde dûë à des troupes auxiliaires, ces barbares prétendoient suivant les apparences, que leurs capitulations avec les empereurs emportassent quelque chose de plus. Quelles étoient ces prétentions ? Nous n’avons pas le manifeste d’Euric, et nous sçavons seulement en general qu’il vouloit avoir des droits sur plusieurs provinces de la Gaule, lesquelles il n’occupoit pas encore. Quant au projet qu’il avoit formé lorsqu’il entreprit la guerre, nous en sommes mieux instruits, parce que nous l’apprenons dans plusieurs lettres de Sidonius Apollinaris, écrites après qu’Euric eût donné suffisamment à connoître