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core mieux par la suite, Ricimer étoit à la fois le plus ambitieux et le plus dangereux des officiers qui servoient l’empire. S’il faisoit des empereurs, ce n’étoit point pour leur obéir, mais pour regner sous leur nom. Etant barbare, il n’osoit entreprendre de regner sous le sien, et de se faire proclamer empereur. Y avoit-il, demandera-t’on, une loi expresse qui exclût de l’empire les barbares ? Je ne le crois point ; mais si l’on n’avoit point fait une pareille loi, c’est qu’il avoit paru inutile de la faire. Les Romains comme les Francs supposoient que pour être le chef d’une nation, il falloit être de cette nation-là. Si Capitolin dit positivement que Maximin le successeur d’Alexandre Severe étoit né barbare, il nous apprend aussi que ce prince cacha sa naissance avec soin, dès qu’il fut parvenu à l’empire, et que pour dérober aux Romains la connoissance de son origine il fit mourir tous ceux qui la sçavoient par eux-mêmes.

Je retourne à Ricimer. Dès qu’il s’apperçut que Majorien qui étoit alors dans la force de l’âge vouloit gouverner par lui-même, et rétablir l’ordre dans la monarchie, il conçut contre lui la haine que les esprits orgueilleux conçoivent contre un homme qu’ils ont élevé à une place éminente, dans la persuasion que son génie étant subordonné au leur ils le conduiront toujours à leur gré ; lorsque cet homme-là vient à démentir leur opinion, et qu’il ose leur tenir tête dans les occasions où ils ont tort. Ricimer avoit crû en élevant au trône Majorien y faire monter un soldat qui n’ayant pour mérite que les vertus militaires, seroit toujours obligé de se laisser guider, et cet empereur donnoit à connoître qu’il avoit aussi les vertus civiles. Les loix qu’il publia durant un regne de quatre ans, et qui doivent la plûpart avoir été faites dans des camps et sous la tente, montrent seules qu’il connoissoit à fonds les maux dont son état étoit affligé, et qu’il étoit capable d’y appliquer des remedes efficaces. Nous rapportons dans cet ouvrage plusieurs extraits de ces loix, qui suffisent pour donner une idée de l’équité et de la prudence du legislateur qui les a dictées. Ainsi Ricimer dont la conduite que Majorien tenoit dans l’administration de l’état mortifioit à la fois la présomption et l’orgueil, résolut de