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se trouvoit être à une si grande distance de Carthage où les Vandales avoient leurs arsenaux, où ils avoient fait leurs dépôts, et dont par conséquent ils ne pouvoient pas trop s’éloigner, qu’on ne devoit pas craindre de les avoir en tête quand on y aborderoit. Il est vrai que Genséric avoit devasté la Mauritanie, dès qu’il eût été informé que c’étoit sur les côtes d’Espagne que l’armée Romaine devoit s’embarquer. Il avoit même fait empoisonner les puits, et combler les fontaines. Mais l’empereur Majorien comptoit qu’il auroit deux ressources pour faire subsister ses troupes lorsqu’elles auroient mis pied à terre en Mauritanie. L’une consistoit dans les vivres qu’il feroit venir de l’Espagne, des Gaules ou de la Sicile, et l’autre dans les provisions que les anciens habitans de la Mauritanie seroient encore en état de lui fournir, quoique Genséric eût devasté leur pays. Ces habitans devoient avoir sauvé une grande partie de leur grain, parce que l’usage de cette contrée est de les garder dans de grandes fosses recouvertes de terre, et qu’il étoit impossible que la plûpart de ces caches n’eussent échappé aux recherches des Vandales.

Enfin ce qu’il y avoit de plus important pour Majorien, c’étoit de mettre pied à terre au-plutôt. On ne sçauroit prendre de trop bonnes mesures pour épargner à une flotte nombreuse et qui doit transporter des troupes de terre, l’inconvenient dangereux de tenir la mer long-tems. Comme l’expédition dont il s’agit ici, est la derniere entreprise d’éclat que l’empire d’Occident ait faite pour se relever, il doit être permis à un auteur qui écrit l’histoire de l’établissement de la monarchie françoise fondée sur les ruines de cet empire, de faire quelques reflexions sur les causes qui rendirent un pareil armement infructueux.

Majorien eût peut-être été le restaurateur de l’empire, s’il eût employé les forces qui restoient encore dans ce corps politique à faire d’abord quelqu’expédition moins importante à la verité que celle d’Afrique, mais aussi moins exposée aux contretems. Pour rétablir la réputation des armes d’une monarchie qui depuis cent ans n’écrivoit plus guéres dans ses fastes que des jours malheureux, il étoit essentiel que son restaurateur réussît dans sa premiere expédition, telle qu’elle pût être. Majorien devoit donc,