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les côtes de cette grande province qu’il avoit donné aux bâtimens de sa flotte, leur rendez-vous. Il semble d’abord qu’il dût prendre une autre route, et qu’il lui convînt mieux de s’embarquer en Sicile pour passer en Afrique. Du cap Lilybée qui est dans cette isle, jusqu’au promontoire de Mercure qui est en Afrique, il y a moins de trente lieuës. Lorsque les Romains avoient envoyé des armées dans ce pays pendant la premiere, la seconde et pendant la troisiéme guerre punique, ils leur avoient fait prendre cette route-là, quoiqu’ils fussent les maîtres de les faire partir d’Espagne. Cependant on trouve en faisant reflexion sur les circonstances des tems et des lieux, que Majorien avoit pris un parti judicieux.

En premier lieu, il n’étoit point à propos de faire passer à travers toute l’Italie et près de Rome l’armée qu’il conduisoit en Afrique. Nous avons vû qu’elle étoit composée en grande partie de barbares. Il valoit donc encore mieux que cette armée commît dans les Gaules et dans l’Espagne, les desordres qu’il étoit comme impossible qu’elle ne fît pas dans les contrées qu’elle traverseroit, que de les commettre en Italie. En second lieu, les dispositions que Genséric avoit faites pour se mettre en état de défense contre tous les Romains qui voudroient entreprendre de le chasser de l’Afrique, obligeoient encore Majorien à prendre le parti auquel il se détermina. Ce roi des Vandales avoit démantelé toutes les villes de la province d’Afrique, à l’exception de Carthage dont il avoit fait sa place d’armes, et dans les environs de laquelle il tenoit le plus grand nombre de ses troupes, comme dans le lieu qui étoit le plus exposé en cas de guerre contre l’empire. Ainsi Majorien, s’il fût parti de Sicile, auroit été contraint à faire son débarquement en presence des ennemis, ou bien il auroit été réduit à ranger une côte fameuse par ses Syrtes et par ses autres écueils, jusqu’à ce qu’il eût dévancé ces ennemis qui n’auroient pas manqué de le suivre par terre, et de tenter l’impossible pour faire autant de chemin que sa flotte, afin d’être toujours à portée de s’opposer à la descente. Au contraire ce prince en partant d’Espagne, et rangeant la côte de cette grande province, n’avoit qu’un trajet de quatre ou cinq lieuës à faire pour aborder dans un endroit de l’Afrique, où il étoit comme assuré de mettre pied à terre sans opposition. Ce lieu-là qui étoit dans la Mauritanie, et en face de Cadix,