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tres Ecrivains dont le style, pour ne rien dire de plus fort, ne fait point le mérite. Quelquefois il m’arrivera ce qui arrive aux Architectes, qui entreprennent de donner le plan entier & les profils d’un édifice antique, dont il ne reste plus que des masures & des ruines éparses, & quelques débris mutilés. Nos Architectes sont obligés à suppléer celles des parties de leur bâtiment dont il ne demeure plus aucuns vestiges, de maniere qu’elles s’assemblent, pour ainsi dire d’elles-mêmes, avec les parties qui subsistent encore. Je serai donc réduit comme eux, à suppléer par des conjectures aux lacunes qui se trouvent dans nos Annales, afin de lier ensemble les faits constans & certains de notre Histoire. Ainsi l’on ne pourra point me reprocher d’avoir conjecturé ; mais seulement d’avoir mal conjecturé, d’autant plus que je donne alors mes idées pour ce qu’elles sont, & non point pour des vérités prouvées.

Comme on ne sçauroit donner une juste idée de l’origine & des progrès de la Monarchie Françoise sans avoir exposé auparavant quel étoit l’état de l’Empire d’Occident, & particulierement, quel étoit celui des Gaules, lorsqu’elle commença de s’y établir, j’espere que je ne serai point blâmé d’avoir employé tout mon premier Livre à exposer quel étoit cet état au commencement du cinquiéme siecle. D’ailleurs cette exposition est absolument necessaire, dès que je prétends, comme je le dirai : Que l’état des Gaules a été sous Clovis & sous ses premiers successeurs à peu-près le même qu’il avoit été sous les derniers Empereurs.

J’employerai mon second Livre à raconter tout ce qui s’est passé dans les Gaules depuis la grande invasion que les Barbares y firent en quatre cens sept, jusqu’à l’année quatre cens cinquante six. Il n’y sera point parlé trop souvent des Francs qui ne jouoient pas encore dans cette contrée un personnage bien important. Néanmoins tous les évenemens que je rapporte dans ce Livre-là, ne laissent pas de faire en quelque sorte une partie essentielle de l’Histoire de notre Nation, parce qu’ils disposerent les Romains des Gaules à se jetter entre ses bras. Mon troisiéme Livre comprendra le regne de Childeric & le règne de Clovis jusqu’au tems où il se fit Chrétien. Le reste du regne de ce Prince se trouvera dans le quatriéme, & dans le cinquiéme, qui contiendra encore ce qui est arrivé depuis sa mort, jusques en l’année cinq cens quarante. Je destine le sixiéme & dernier Livre à l’exposition de l’état des Gaules sous le regne de Clovis, & sous celui de ses premiers successeurs.