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après étoient si bien néanmoins avec cet empereur, qu’ils choisirent pour les gouverner, Egidius qu’il avoit fait son généralissime dans le département des Gaules, et qui lui étoit entierement dévoué, ainsi qu’on l’a déja vû et qu’on le verra encore par la suite de l’histoire.

Comme Gregoire de Tours nacquit en l’année quatre cens quarante-quatre, et seulement soixante et trois ans après la mort de Childéric, il a dû voir plusieurs personnes qui avoient vû et ce prince et ses contemporains. Ainsi l’on ne pourroit point recuser le témoignage de notre historien sur un évenement aussi public et aussi mémorable que celui de la déposition du roi des Saliens, et du choix que les Saliens firent ensuite d’Egidius pour les gouverner, quand bien même les principales circonstances de cet évenement seroient de nature à paroître moralement impossibles. Il est vraisemblable qu’il arrive souvent plusieurs choses contre la vraisemblance. Mais la narration de notre historien ne contient rien que de très-plausible, à en juger par les usages du tems, comme par ce que nous sçavons, soit concernant la situation où étoient alors les Francs Saliens établis sur le territoire de l’empire, soit concernant les relations continuelles où ils étoient depuis deux siécles avec les Romains. Si Childéric a recours à l’expédient de la piece d’or partagée en deux pour être informé avec certitude quand le tems favorable à son rétablissement seroit enfin arrivé, c’est que l’art d’écrire en chiffres n’étoit connu ni de lui ni de son correspondant, et que ce correspondant ne vouloit pas être obligé de confier un jour son secret, ou bien à un messager qui pourroit être infidele, ou bien à une lettre écrite en caracteres ordinaires, et qui pourroit être interceptée.

Il est donc trés-croyable qu’une tribu de Francs qui demeuroit sur le territoire de l’empire en qualité de confédérés, ait, après avoir destitué son roi, choisi pour la gouverner dans ses quartiers, le même homme qui la commandoit quand elle servoit en campagne. Les personnes sensées de ce petit Etat dûrent représenter aux autres que c’étoit là ce qu’on pouvoit faire de mieux. Childéric, auront-elles dit, est un prince brave et liberal, nous l’avons reconnu pour roi, et il ne sera pas toûjours aussi jeune qu’il l’est aujourd’hui. Le tems et les malheurs s’en vont le rendre sage, et notre colere toute juste qu’elle est, ne durera point si long-tems. Nous serons donc bien-aises un jour de rappeller le fils de Merovée. Si nous élisons aujour-