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Je pourrois donc me flater d’avoir mis ceux qui travailleront à l’avenir sur notre Droit public, en état de l’éclaircir mieux qu’il ne l’a été jusqu’à present, si j’étois venu à bout de détruire l’idée qu’on a communément de la maniere dont la Monarchie des Francs a été établie dans les Gaules. C’est aussi ce que je me suis proposé d’exécuter, après m’être convaincu par une longue étude de la matiere, que l’idée reçûe étoit contraire à la vérité. Les raisons qui m’ont persuadé, sont même si solides, que je devrai m’en prendre uniquement à mon insuffisance, au cas qu’elles ne fassent pas sur le lecteur l’impression qu’elles ont faite sur moi. Au reste, je ne me suis épargné aucune peine de celles que j’ai dit qu’il étoit necessaire de le donner pour rétablir le commencement de nos Annales. En second lieu, pour empêcher qu’on ne pût me reprocher avec quelque raison, d’avoir bâti sur le sable, je n’avance aucun fait comme certain, sans être fondé sur l’autorité d’un Auteur contemporain ou presque contemporain. C’est des Ecrivains qui ont vécu dans le cinquiéme siecle ou dans le sixiéme que je tire toutes mes preuves. S’il m’arrive quelquefois, soit pour confirmer, soit pour expliquer ce qu’ils ont dit, de citer un ouvrage écrit dans les siecles posterieurs ; c’est après avoir averti du tems où vivoit celui qui l’a composé.

Je fais encore imprimer au bas de la page les passages dont je tire quelque preuve, soit pour réfuter le sentiment des autres, soit pour appuyer le mien. Cette précaution doit empêcher qu’on ne me soupçonne d’avoir eu la vûe de favoriser mon opinion, dans les endroits de mon ouvrage, où m’attachant uniquement à rendre dans toute son étendue le sens des passages dont je donne la version, je ne traduits point mot à mot toutes leurs expressions & principalement leurs phrases figurées. Une pareille liberté, j’en tombe d’accord, seroit toujours blâmable dans un Ecrivain qui donneroit la version d’un endroit de Salluste ou de Titelive. Quand on traduit ces Auteurs célébres & leurs semblables ; il ne suffit pas de rendre fidellement les moindres circonstances de leurs narrations, & de n’alterer en rien le sens de leur texte : On leur doit quelque chose de plus. Il faut s’assujettir à suivre l’ordre de leurs phrases, à rendre fidellement les expressions figurées dont ils ont jugé à propos de se servir, & à faire sentir, autant qu’il est possible l’élégance & la facilité de leur style. Mais j’ai crû pouvoir me dispenser d’un pareil asservissement, quand j’avois à traduire la prose de Sidonius Apollinaris, celle d’Ennodius, celle de Grégoire de Tours & celle de Jornandés, ou d’au-