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ception à la Loi generale, ce qui n’a été réellement que la pure observation de cette Loi.

La constitution du Royaume des Francs ayant été sous les Princes de la seconde Race, à peu près la même qu’elle avoir été sous les Princes de la premiere, il s’ensuit que les personnes qui se sont fait une fausse idée de la forme de gouvernement en usage sous les Rois Mérovingiens, ont aussi une fausse idée de la forme de gouvernement, qui a eu lieu sous les Rois Carlovingiens. Il y a plus, cette idée porte à croire que Hugues Capet & ses successeurs auroient dû laisser les Seigneurs de leur tems, descendus des Francs compagnons d’armes de Clovis, en paisible possession de tous les droits qu’ils avoient durant l’onziéme siecle dans leurs Fiefs, puisque l’institution de ces Fiefs étoit aussi ancienne que la Loi de succession, & que leur érection n’avoit pas été l’ouvrage du Roi, mais celui de la Nation encore libre. Ainsi l’erreur dont je parle, conduit à penser que tout ce qu’ont fait les successeurs de Hugues Capet en faveur de l’autorité Royale, soit en affranchissant les sujets des Seigneurs, soit en mettant des Officiers Royaux dans tous les Fiefs de quelque dignité, soit en ôtant aux Seigneurs le droit de convoquer leurs vassaux pour faire la guerre à d’autres Seigneurs, soit enfin en se servant de toutes voyes permises aux Souverains, ait été un attentat contre la premiere constitution de la Monarchie. On regarde donc après cela comme des Tirans Louis le Gros, Philippe Auguste, & les plus grands Rois de la troisiéme Race, bien qu’ils n’ayent fait autre chose que de revendiquer les droits imprescriptibles de la Couronne, & les droits du Peuple sur les usurpateurs qui s’étoient emparés des uns & des autres dans le neuviéme siécle & dans le dixiéme. En effet ces Princes, loin de donner atteinte à l’ancienne constitution du Royaume en recouvrant une partie de leurs droits, n’ont fait que rétablir, autant qu’ils le pouvoient, l’ordre ancien.

Enfin il faut regarder la croyance : Que notre Monarchie a été établie par voye de conquête, comme la source des erreurs concernant l’origine & la nature des Fiefs dans lesquels sont tombés les Auteurs qui ont écrit sur notre Droit public, & comme celle des illusions, qui sous le regne de François I. introduisirent dans le Royaume la maxime : Qu’il n’est point de terre sans Seigneur ; maxime si contraire à la liberté naturelle, & si fausse en même tems, puisque le nom de Seigneur y est pris non pas dans la signification de Souverain, mais dans celle de Seigneur Féodal.