Page:Dubos - Histoire critique de l'établissement de la monarchie françoise dans les Gaules, Tome I, 1742.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfans, à qui l’on veut donner une premiere teinture de l’Histoire de leur patrie. Or cette erreur a été & elle sera toujours, tant qu’elle subsistera, la source d’une infinité d’autres. Elle est cause qu’on se fait une fausse idée de la constitution du Royaume des Francs sous les Rois Mérovingiens, & qu’on est disposé à croire tout ce qu’il a plû à quelques Auteurs d’imaginer, sur les Loix fondamentales, suivant lesquelles cet Etat étoit alors gouverné. On est donc porté à leur ajoûter foi, lorsqu’ils débitent : Qu’après la Conquête des Gaules, les Francs répartirent entr’eux le pays subjugué, & que chacun d’eux y exerçoit arbitrairement sur les personnes & sur les biens des Romains du district qui lui étoit échû, la Jurisdiction & les droits qui appartiennent aujourd’hui aux Seigneurs hauts Justiciers Que d’un autre côté, les Francs ne payoient rien au Prince ; qu’ils n’étoient justiciables que de la Nation assemblée, sans laquelle le Roi ne pouvoit presque rien, & que les particuliers de cette Nation ne dépendoient gueres plus de la volonté du Prince, que les Etats qui composent le Corps Germanique, dependent de la volonté de l’Empereur depuis la paix de Westphalie : Qu’enfin le gouvernement du Royaume des Francs a été dans son origine plûtôt un gouvernement Aristocratique qu’un gouvernement Monarchique.

Il est vrai qu’aucun Auteur ancien ne rapporte ni ne cite même ces Loix fondamentales de notre Monarchie si préjudiciables aux anciens habitans des Gaules, si dures pour le Roi, & si favorables aux Francs. Au contraire, tous les Décrets qui nous restent des Rois Mérovingiens, & mille faits qui se lisent dans notre Histoire, montrent que ces prétendues Loix fondamentales n’existérent jamais que dans l’imagination de ceux qui ont eu la confiance de les alleguer avec autant de hardiesse, que si elles se trouvoient parmi les Capitulaires. Mais ni les faits, ni les Décrets dont je viens de parler, ne sçauroient avoir assez de force, dispersés comme ils le sont en differens Livres & en differens endroits du même Livre, pour faire sentir la verité à ceux qui s’étant une fois persuadés eux-mêmes, que les Francs s’étoient rendus maîtres des Gaules par force, ont en conséquence de cette erreur, reçû comme bon le plan de la premiere constitution de la Monarchie, celui dont je viens de parler. Des hommes ainsi préoccupés, éludent toutes les preuves qui résultent de ces faits & de ces Décrets, parce que lorsqu’ils tombent sur chaque fait ou sur chaque Décret particulier, ils se l’interprétent suivant leur prévention qui les fait ou chicaner sur les termes, ou traiter d’ex-